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La quête de l’insaisissable monopôle magnétique se poursuit

L'expérience ATLAS définit des limites parmi les plus strictes à ce jour sur les monopôles magnétiques

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Illustration of magnetic monopoles (larger image) and a magnetic dipole (inset)

Représentation de monopôles magnétiques (image principale) et d'un dipôle magnétique (encart) (Image : CERN)

Les aimants, ces objets du quotidien que nous collons sur nos réfrigérateurs, partagent tous une caractéristique bien spécifique : ils possèdent toujours un pôle nord et un pôle sud. Même si vous cassez votre aimant en deux, les pôles ne se sépareront pas ; vous obtiendrez deux aimants dipolaires plus petits. Est-il possible qu’une particule possède un pôle unique, présentant une charge magnétique ? Depuis plus d'un siècle, les physiciens recherchent de tels monopôles magnétiques. Une nouvelle étude de la collaboration ATLAS au Grand collisionneur de hadrons (LHC) fixe de nouvelles limites sur ces particules hypothétiques, ajoutant de nouveaux indices à la recherche en cours.

En 1931, le physicien Paul Dirac a démontré que l'existence de monopôles magnétiques serait compatible avec la mécanique quantique, et qu’elle suppose la quantification de la charge électrique – qui a été observée. Dans les années 1970, les monopôles magnétiques ont également été prédits par de nouvelles théories tentant d'unifier toutes les forces fondamentales de la nature, ce qui a incité le physicien Joseph Polchinski à affirmer que leur existence était « un des paris les plus sûrs que l'on puisse faire sur une physique qui n'a pas encore été observée ». Les monopôles magnétiques pourraient avoir été présents dans l'Univers primitif, mais se seraient dilués, leur densité devenant extrêmement faible au cours de la première phase d'expansion exponentielle connue sous le nom d'inflation cosmique. 

Les chercheurs de l'expérience ATLAS sont à la recherche de paires de monopôles magnétiques ponctuels de masse allant jusqu’à environ 4 téraélectronvolts (TeV). Ces paires pourraient être produites dans des collisions à 13 TeV entre protons par deux mécanismes différents : le mécanisme de Drell-Yan dans lequel un photon virtuel produit dans les collisions crée les monopôles magnétiques, et le mécanisme de fusion de photons, dans lequel deux photons virtuels produits par les protons interagissent pour créer les monopôles magnétiques.

La stratégie de détection de la collaboration repose sur la théorie de Dirac, selon laquelle la valeur de la charge magnétique la plus petite (gD) est équivalente à 68,5 fois l'unité fondamentale de la charge électrique, la charge de l'électron (e). Par conséquent, un monopôle magnétique de charge 1gD ioniserait la matière de la même manière qu'un objet à haute charge électrique (HECO). Quand une particule ionise le matériau du détecteur, ATLAS enregistre l'énergie déposée, qui est proportionnelle au carré de la charge de la particule. Des monopôles magnétiques ou des HECO laisseraient donc d'importants dépôts d'énergie le long de leur trajectoire dans le détecteur ATLAS. Le détecteur ATLAS ayant été conçu pour enregistrer des particules neutres et de faible charge, la caractérisation de ces dépôts de haute énergie est un élément essentiel de la recherche de monopôles et d’objets à haute charge électrique.

Dans leur nouvelle étude, les chercheurs d'ATLAS ont passé au crible l'ensemble complet des données de la deuxième période d’exploitation du LHC (2015-2018) à la recherche de monopôles magnétiques et d’objets à hautes charge électrique. Pour ce faire, ils ont utilisé deux sous-détecteurs d’ATLAS : le trajectographe à rayonnement de transition et le calorimètre électromagnétique à argon liquide, finement segmenté. Les résultats obtenus permettent de fixer des limites très strictes sur le taux de production de monopôles magnétiques.

La recherche ciblait des monopôles de charge magnétique 1gD et 2gD et sur des HECO de charge électrique 20e, 40e, 60e, 80e et 100e, avec des masses comprises entre 0,2 TeV et 4 TeV. Par rapport à une étude précédente d’ATLAS, le nouveau résultat a pu exploiter un ensemble de données plus complet, celui de la deuxième période d’exploitation du LHC. Il s'agit par ailleurs de la première analyse d’ATLAS qui prend en compte le mécanisme de production par fusion de photons.

N'ayant trouvé aucun indice de l'existence de monopôles magnétiques ou d’objets à haute charge magnétique dans l'ensemble des données, les chercheurs d'ATLAS ont établi de nouvelles limites pour le taux de production et la masse des monopôles ayant une charge magnétique de 1gD et 2gD. ATLAS reste l'expérience ayant la plus grande sensibilité aux monopôles dans cette gamme de charges ; une autre expérience LHC, plus petite, l’expérience MoEDAL-MAPP, a déjà réalisé une étude sur une gamme de charges plus large ainsi qu’une recherche de monopôles de taille finie.

Les physiciens d'ATLAS poursuivront leur quête des monopôles magnétiques et des HECO, en affinant leurs techniques de recherche et en développant de nouvelles stratégies pour étudier les données de la deuxième et de la troisième période d’exploitation du LHC.

Pour en savoir plus, consultez le site web d'ATLAS.