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L’expérience ALICE jette la lumière sur le noyau atomique pour sonder sa structure

Les derniers résultats de l’expérience ALICE auprès du LHC explorent la nature de la matière gluonique

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Illustration of an ultra-peripheral collision where the two lead ion beams at the LHC pass by close to each other without colliding. Photons emitted from one beam strike the other, producing electromagnetic interactions. The structure of the gluonic matter in the nucleus gets further exposed when probed by higher energy photons

Illustration d’une collision ultra-périphérique où deux faisceaux d’ions plomb au LHC passent à proximité l’un de l’autre sans entrer en collision. Les photons émis par l’un des deux faisceaux heurtent l’autre faisceau, produisant ainsi des intéractions électromagnétiques. Plus l’énergie des photons est élevée, plus la structure de la matière gluonique est exposée. (Image: CERN)

Dans le Grand collisionneur de hadrons, des faisceaux de protons et d’ions plomb circulent à une vitesse proche de celle de la lumière. Ils transportent un champ électromagnétique puissant qui agit comme un flux de photons à mesure que le faisceau traverse l’accélérateur. Lorsque les deux faisceaux du LHC passent à proximité l’un de l’autre sans entrer en collision, l’un d’eux peut émettre des photons à très haute énergie, venant heurter l’autre faisceau. Ce phénomène donne lieu à des collisions photon-noyau, photon-proton, ou même photon-photon. La collaboration ALICE étudie ces collisions dans le but d’en savoir davantage sur les protons et la structure des noyaux atomiques. Elle a récemment communiqué des résultats à ce sujet, lors de la conférence LHCP 2023.

Les photons sont l’outil parfait pour étudier l’intérieur des noyaux. Généralement, lorsqu’un photon entre en collision avec un noyau, deux gluons (porteurs de l’interaction forte) sont échangés, formant ainsi une paire quark-antiquark. Deux types de collisions peuvent être distingués : lorsqu’un photon interagit avec le noyau entier (on parle alors de collision « cohérente »), et lorsqu’un photon interagit avec un seul nucléon à l’intérieur du noyau (on parle alors de collision « incohérente »).

Les scientifiques cherchent à observer une quantité élevée de gluons à l’intérieur des noyaux, signe d’une forte densité gluonique. Selon les modèles théoriques, la densité gluonique dans les noyaux augmente à mesure que les gluons se rapprochent de la vitesse de la lumière. Si la densité est suffisamment élevée, le noyau devient saturé en matière gluonique, ce qui signifie que la quantité de gluons ne peut plus augmenter. L’exploration directe de la matière gluonique saturée constitue l’un des grands défis à relever dans le domaine des interactions fortes, et pourrait contribuer à mieux comprendre la structure des protons et des noyaux atomiques.

La formation d’une paire quark-antiquark charmée dans une collision photon-noyau correspond à une production de mésons J/ψ. En étudiant la manière dont la production de J/ψ lors de collisions cohérentes varie en fonction de l’énergie du photon, il est possible d’observer les effets de la saturation gluonique. Plus l’énergie du photon est élevée, plus il est facile de « voir » la matière gluonique dans les noyaux. Les tout derniers résultats de l’expérience ALICE sur la production de J/ψ, qui s’appuient sur les données acquises lors de la deuxième période d’exploitation du LHC, recouvrent une gamme d’impulsions plus large que celle des mesures effectuées à partir des données issues de la première période d’exploitation. De plus, ils correspondent aux prédictions des modèles de saturation gluonique.

Les collisions incohérentes permettent d’étudier les configurations géométriques des fluctuations quantiques à l’intérieur d’un proton. La collaboration ALICE procède à cette étude en analysant la distribution de l’impulsion transférée au méson J/ψ. Aussi la collaboration a-t-elle pu montrer dans une nouvelle étude qu’il n’est possible de décrire ce transfert d’impulsion qu’en intégrant aux modèles les zones de matière gluonique saturée, appelées hotspots gluoniques.

La collaboration ALICE compte poursuivre l’étude de ces phénomènes lors des troisième et quatrième périodes d’exploitation du LHC. Grâce à des mesures de haute précision combinées à des échantillons de données plus volumineux, elle disposera d’outils puissants pour mieux comprendre le rôle de la saturation et des hotspots gluoniques.

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