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HiLumi : des aimants plus cools pour le HL-LHC

Des tests concluants de la première unité « MKI-Cool » montrent que ce nouveau type d’aimant de déflexion rapide peut supporter les coups de chaud et garder la tête froide face à des faisceaux de haute luminosité

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LHC,HL-LHC,High Luminosity LHC,MKIInstallation de l’unité MKI-Cool durant l’arrêt technique de fin d’année (Image : CERN)

 

Les aimants de déflexion rapide (dits « kickers ») sont un élément important du complexe d’accélérateurs du LHC. Installés à l’intersection de l'anneau du LHC et des lignes de transfert du super synchrotron à protons (SPS), ils donnent à chaque faisceau injecté une poussée au bon moment pour le placer sur la bonne orbite dans le LHC.

La luminosité accrue du HL-LHC constituera un défi pour ces aimants, car l’accroissement de la charge thermique pourrait conduire à un mauvais aiguillage des faisceaux injectés. Pour éviter cela, les ingénieurs du département Systèmes des accélérateurs du CERN ont développé pour le HL-LHC une nouvelle version de l’aimant de déflexion rapide, appelée « MKI-Cool ». Un aimant de ce type a été installé au LHC il y a un an en remplacement d’un aimant de déflexion rapide standard. Les données mesurées au cours de sa première année de fonctionnement, avec un faisceau de haute intensité, montrent que la hausse de température subie par le MKI-Cool est moins d’un cinquième de celle qu’on a pu observer sur les sept autres aimants du LHC. Il semble donc que les aimants de déflexion rapide MKI-Cool ne devraient rencontrer aucun problème de surchauffe sous l’effet des faisceaux du HL-LHC.

« Au vu de cet excellent résultat, tous les aimants vont être progressivement remplacés par des MKI-Cool, déclare Mike Barnes, ingénieur principal du département Systèmes d’accélérateurs du CERN. Nous procéderons à la mise à niveau complète du système de déflexion rapide durant le troisième long arrêt. »*

Contrairement aux autres aimants de l’accélérateur, les aimants de déflexion rapide ne peuvent être entièrement protégés du faisceau. Un blindage aurait un effet sur le champ magnétique pulsé qu’ils produisent pour donner une poussée au faisceau. En outre, la haute tension présente dans l’impulsion exclut le refroidissement par eau de l'aimant, ce qui représente un obstacle majeur, étant donné que la ferrite qui le compose perd ses propriétés magnétiques lorsque la température dépasse le seuil critique de 125 °C. Dans ces conditions, la poussée donnée aux faisceaux pourrait être perturbée, provoquant une perte de supraconductivité des aimants situés en aval.

Après des années de recherche et développement, l’équipe a pu mettre au point une nouvelle version des aimants. Le fonctionnement du MKI-Cool consiste à transférer la majeure partie de la chaleur provoquée par le faisceau depuis la culasse en ferrite vers ce un dispositif appelé amortisseur RF, contenant un cylindre en ferrite et placé juste en amont de l’aimant. La charge thermique de l’amortisseur RF est ensuite dissipée à l’aide d’un circuit de refroidissement à eau.

« L’idée de transférer l’énergie avait été simulée par ordinateur, mais c’était un vrai défi d’en prouver la validité par des mesures faites en laboratoire, poursuit M. Barnes. Pour réaliser une preuve du concept, les équipes ont installé au LHC, en 2018, un prototype comportant un amortisseur RF, qui n’était pas refroidi. Les mesures de température effectuées pendant la circulation du faisceau du LHC ont montré que le concept était valide. »

Pour mesurer la différence d’échauffement entre le MKI-Cool et ses prédécesseurs, l’équipe a utilisé des capteurs de température fixés à une plaque latérale en métal située à proximité. Il n’était pas possible de mesurer directement la température de la ferrite car celle-ci est portée à une très haute tension électrique pendant l’injection du faisceau.

« Pendant l’exploitation du LHC avec le nouvel aimant, la température qui a été mesurée à la fois pour l’amortisseur RF et pour la plaque latérale est restée relativement basse, indique M. Barnes. D’après ces mesures et les simulations qui ont été faites, les MKI-Cool ne devraient pas rencontrer de problème de surchauffe à l’ère du HL-LHC. »

* Mike Barnes a pris sa retraite à la fin de l’année 2023. C’est Giorgia Favia qui est maintenant responsable des aimants de déflexion rapide et qui supervisera le passage aux MKI-Cool.