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Dernières nouvelles des accélérateurs : Fuite réparée, refroidissement en cours

Malgré des conditions de travail compliquées, la fuite de vide provoquée par la transition résistive survenue le 17 juillet a été réparée en moins de 10 jours

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L'interconnexion entre les aimants Q1 (à gauche) et Q2 (à droite) fermée. (Image: CERN)
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La même interconnexion, une fois ouverte. On voit les différentes lignes destinées aux câbles, à l'hélium et au vide du faisceau. La flèche indique l'emplacement de la fuite. (Image: CERN)

Dans notre dernier article de la série « Dernières nouvelles des accélérateurs », nous vous parlions d'une transition résistive d'un aimant d'un triplet interne situé à gauche du point 8 (LHCb), qui a provoqué une petite fuite dans le vide d'isolation du module du triplet interne. Ce vide est une barrière essentielle car il empêche la chaleur en provenance du tunnel du LHC d’entrer à l'intérieur du cryostat. Nous savons maintenant que la transition a été déclenchée par le système de protection contre les transitions (système QPS), à la suite d'un incident électrique sur le réseau d'alimentation général.

La pression dans le vide d'isolation a atteint le niveau de la pression atmosphérique le lundi 17 juillet au matin, mais il a fallu une autre semaine pour porter les aimants à température ambiante, ce qui était nécessaire pour une intervention. Au cours de cette semaine (semaine 29), les équipes chargées de la cryogénie et du vide ont localisé l’origine de la fuite, située entre la masse froide de l'aimant et le vide d'isolation. La dimension de la fuite a été estimée à environ 1 mm2, ce qui est suffisamment grand pour qu'on puisse « entendre » le son du gaz s'échappant du tuyau.

Avant d'expliquer le reste, je vais commencer par vous rappeler ce qu'est un triplet interne. Avant d'entrer dans un détecteur d'une expérience, les particules doivent être resserrées les unes contre les autres, ce qui permet d'accroître le taux de collision : c'est le rôle des triplets internes. Il faut trois quadripôles pour constituer un « triplet interne ». Le LHC compte huit triplets internes, situés de part et d'autre de chacun des quatre grands détecteurs : ALICE, ATLAS, CMS et LHCb.

Du matériel servant à mesurer les vibrations fines a été installé dans le triplet interne en question, dans les interconnexions entre les quadripôles. On a ainsi pu déterminer que le site probable de la fuite était l'interconnexion entre l’aimant Q1 (le quadripôle le plus proche du point d'interaction de LHCb) et l’aimant Q2.

En parallèle, l'équipe de la cryogénie a établi plusieurs scénarios de récupération possibles. La procédure standard aurait consisté à porter à température ambiante la totalité du secteur, auquel cas il aurait fallu plus de trois mois pour que le secteur soit ensuite ramené aux conditions de faisceau. C'est pourquoi un scénario moins contraignant a été élaboré, consistant à laisser remonter doucement en température le secteur, en retirant tout l'hélium liquide des aimants, et en dépressurisant toutes les lignes cryogéniques pour une intervention de durée limitée, estimée à 10 jours maximum.

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Le nouveau soufflet est en place. (Image: CERN)

Une semaine à peine après l'incident, les équipes chargées des aimants et du vide ont ouvert les grands soufflets qui entourent l'interconnexion entre Q1 et Q2. L'emplacement exact de la fuite a été identifié le jour même : la fuite se situait sur un soufflet flexible installé sur l'une des lignes reliant les deux aimants. Il a été décidé d'effectuer une intervention sur place pour remplacer le soufflet défectueux par une pièce de rechange.

Plus facile à dire qu’à faire... sachant que ce type de soufflet est livré en tant que partie intégrante des aimants du triplet. Et donc, il a fallu alors élaborer une stratégie entièrement nouvelle de soudage sur site, au fur et à mesure de l'avancement des travaux. Malgré des conditions de travail compliquées pour les soudeurs, le nouveau soufflet a été mis en place, et, vers la fin de la semaine, il a été confirmé qu'il n'y avait plus de fuite. Le soir du vendredi 28 juillet, l'interconnexion a été refermée.

Au cours du week-end, l'équipe chargée du vide a réussi à rétablir le vide d'isolation. Après un test final de haute pression et d'intégrité électrique, les opérations de refroidissement ont commencé le mardi 1er août, juste à temps pour éviter un réchauffement complet.

À l'heure où j'écris cet article, le refroidissement est en cours. Malgré les difficultés et la nature inédite de l'incident, nous avons réussi à limiter l’ impact sur l'exploitation de l'accélérateur : le fonctionnement avec faisceau devrait reprendre au cours de la première quinzaine de septembre, à temps pour la campagne avec ions de 2023. Une fois de plus, tout cela a été possible grâce au travail assidu et à l'esprit de collaboration de toutes les équipes concernées.

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Découvrez en images les différentes étapes de cette incroyable intervention (en anglais), et pour en connaître tous les détails techniques, visionnez cette vidéo-interview de Paul Cruikshank, du département TE (en anglais).