Les propriétés de base du boson de Higgs ayant été définies, on pourrait croire qu'il ne reste plus qu'à effectuer quelques mesures de couplage supplémentaires pour compléter le tableau. Mais il reste encore beaucoup à faire.

Le boson de Higgs est une particule mystérieuse, différente à maints égards de toutes les particules observées jusqu'ici, et son étude est liée à de nombreuses questions de physique, restées à ce jour sans réponse. Son rôle le plus connu est d’être le support du mécanisme de Brout-Englert-Higgs (BEH) qui donne leur masse aux particules porteuses de force W et Z. Les scientifiques savent à présent que le champ de Higgs est également responsable de la masse de la plus lourde des trois familles de particules de matière ; il reste à savoir s'il donne également leur masse aux deux autres.

Boson de Higgs ou secteur de Higgs

La version simple du mécanisme BEH, où un seul boson de Higgs fait tout, n'est pas nécessairement conforme à ce qui se passe dans la nature. Dans nombre d'extensions du Modèle standard, il existe tout un « secteur de Higgs » de particules.

Il est possible aussi que le rôle du mécanisme BEH ne se limite pas à être à l’origine de la masse. Au cœur du mécanisme se trouve la brisure spontanée de la symétrie électrofaible, un événement qui s'est produit juste après le Big Bang, faisant passer l'Univers d'un état symétrique, avec des particules dépourvues de masse, à celui que nous connaissons aujourd'hui. Mais que s'est-il passé ? L'Univers a-t-il changé d’état progressivement, ou, comme un liquide en ébullition, a-t-il été traversé par des « bulles » de symétrie brisée surgissant çà et là ? Dans certains cas, cette transition de phase aurait pu être la source de l'asymétrie matière-antimatière que l'on observe aujourd'hui dans l'Univers.

Pour en avoir le cœur net, les scientifiques vont rechercher les interactions du boson de Higgs avec des particules de matière de la deuxième famille, les muons et les quark charmés, et s’efforceront de trouver d'autres particules similaires au boson de Higgs.

La masse du boson de Higgs a son importance

La masse du boson de Higgs, en apparence juste une propriété ordinaire de la particule, a de profondes répercussions. D'un point de vue théorique, la valeur observée de cette masse est anormalement faible, indiquant soit que le boson de Higgs est un objet plus compliqué (par exemple, une particule composite), soit que la théorie requiert une nouvelle symétrie ou un autre mécanisme qui stabiliserait sa masse.

La masse du boson de Higgs dépend aussi de la stabilité de l'état actuel de l'Univers. Jusqu'à présent, tout indique que l'Univers est stable ; cependant, pour certaines valeurs de la masse du boson de Higgs et du quark top, la théorie prédit un Univers métastable, avec une transition possible vers un état d'énergie inférieur. Des mesures précises de la masse du boson de Higgs nous diront ce qu’il en est. Si c’est le cas, il sera nécessaire de formuler un tout nouveau mécanisme afin de stabiliser le vide, sinon la théorie ne correspondrait pas à la réalité.

Autre inconnue : d'où provient la masse du boson de Higgs ? Si elle provient de l'interaction avec le champ de Higgs, il devrait être possible de voir le boson de Higgs interagir avec lui-même, ce qui serait signalé par la production d'une paire de bosons de Higgs. L'observation et la mesure de ce processus sont le graal du programme de recherche du boson de Higgs. Les résultats permettront peut-être de faire la lumière sur la nature du mécanisme de brisure de la symétrie électrofaible. Ce processus étant extrêmement rare, il est probable qu'il ne pourra être observé qu'à l'aide du LHC amélioré – le LHC à haute luminosité – et qu'un futur et tout nouvel accélérateur sera nécessaire pour l'étudier en détail.

Utiliser le boson de Higgs pour rechercher une nouvelle physique

Pour qu’on puisse découvrir une nouvelle particule, il faut qu'elle ait été produite par une collision, ou qu'elle produise un effet indirect sur des phénomènes connus. Pour cela, la nouvelle particule doit pouvoir interagir avec des particules connues. Mais pour de nouvelles particules qui ne seraient sensibles ni à la force électromagnétique, ni aux forces forte ou faible, une telle interaction serait presque inexistante, ce qui, en pratique, les rendrait invisibles et inaccessibles. Cela pourrait notamment être le cas pour les particules de matière noire.

Il est néanmoins possible que ces particules interagissent avec le boson de Higgs. Le boson de Higgs se désintégrerait alors en une paire de ces particules inconnues, qui quitteraient le détecteur sans aucune interaction. C’est la raison pour laquelle sont réalisées des études sur ce que l'on appelle « les désintégrations invisibles du boson de Higgs ».

L'interaction entre le boson de Higgs et le quark top est également très sensible à l'influence de nouvelles particules ; aussi, la mesure expérimentale du couplage Higgs-quark top est-elle l’une des voies de recherche les plus prometteuses. Des possibilités plus exotiques sont aussi à l'étude : de nouvelles particules lourdes se désintégrant en un boson de Higgs et en une particule différente, ou bien des désintégrations du boson de Higgs interdites par le Modèle standard, par exemple en un quark top et un muon.

Le boson de Higgs est un laboratoire formidable pour la recherche de nouvelle physique. L'aventure ne fait que commencer.