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Une expérience du CERN affine une mesure essentielle en physique des particules

Genève, le 11 février 2015. Dans un article publié hier dans la revue Physical Review Letters, l’expérience COMPASS du CERN1 rapporte une mesure essentielle concernant l’interaction forte. L’interaction forte lie ensemble les quarks, pour former les protons et les neutrons, et les protons et les neutrons eux-mêmes, pour former les noyaux de tous les éléments dont la matière est constituée. À l’intérieur de ces noyaux, des particules appelées pions, constituées d’un quark et d’un antiquark, sont les médiatrices de cette interaction. La théorie de l’interaction forte prédit avec précision la polarisabilité des pions, c’est-à-dire le degré auquel ils peuvent être déformés. Cette polarisabilité intrigue les scientifiques depuis les années 1980, car les premières mesures semblaient contredire la théorie. Le résultat obtenu aujourd’hui correspond étroitement à la théorie.

« La théorie de l’interaction forte est l’une des pierres angulaires de notre compréhension de la nature à l’échelle des particules fondamentales, indiquent Fabienne Kunne et Andrea Bressan, porte-paroles de l'expérience COMPASS, donc ce résultat, parfaitement en accord avec la théorie, est très important. »

« Même avec les hautes énergies atteintes au CERN, l’expérience représentait un grand défi, car la polarisabilité du pion est infime et son effet est difficile à isoler », explique Jan Friedrich, chercheur à l’Université technique de Munich, et scientifique pilotant le projet.

Tout ce que nous voyons dans l’Univers est constitué de particules élémentaires appelées quarks et leptons. Les quarks assemblés par trois forment les protons et les neutrons, les « briques » dont sont faits les noyaux des éléments. Un noyau d'hydrogène, par exemple, est formé d’un seul proton, tandis que le noyau d'un atome d'or est constitué de 79 protons et 118 neutrons. À l’intérieur du noyau, les protons et les neutrons s’échangent des pions, médiateurs de la force forte qui tient ensemble les éléments du noyau. Ces pions sont composés d’un quark et d’un antiquark, eux-mêmes liés étroitement par la force forte. Par conséquent, leur capacité à se déformer, ou polarisabilité, est une mesure directe de la force forte liant les quarks entre eux.

Pour mesurer la polarisabilité du pion, l’expérience COMPASS a projeté un faisceau de pions contre une cible de nickel. Quand les pions arrivent à une distance de la cible en nickel égale en moyenne à deux fois leur propre rayon, ils sont soumis au très fort champ électrique des noyaux de nickel ; sous l’effet de ce champ ils se déforment et changent de trajectoire, émettant alors une particule de lumière, autrement dit un photon. En mesurant, sur un échantillon important de 63 000 pions, l’énergie du photon et la déflexion du pion, les chercheurs ont pu mesurer la polarisabilité. Le résultat montre que le pion se déforme considérablement moins que ce que montraient les mesures précédentes, comme prévu par la théorie de l’interaction forte.

« Ce résultat complète admirablement les études des interactions fondamentales réalisées auprès du LHC, et il témoigne de la diversité et du dynamisme du programme de recherche du CERN, explique Rolf Heuer, directeur général de l’Organisation. Si le boson de Higgs – dont l’existence avait été proposée par Brout, Englert et Higgs – est responsable de la masse des particules fondamentales et permet ainsi aux objets composites, comme nous-mêmes, d’exister, la majeure partie de notre masse provient de l'énergie de liaison de l'interaction forte qui tient ensemble les particules. »

 

Des explications plus détaillées sont disponibles dans le document ci-joint (en anglais) : COMPASS note – Why measure the polarisibility of the pion.

 

L’article original est disponible ici.

 

1. Le CERN, Organisation européenne pour la Recherche nucléaire, est le plus éminent laboratoire de recherche en physique des particules du monde. Il a son siège à Genève. Ses États membres actuels sont les suivants : Allemagne, Autriche, Belgique, Bulgarie, Danemark, Espagne, Finlande, France, Grèce, Hongrie, Israël, Italie, Norvège, Pays-Bas, Pologne, Portugal, République tchèque, Royaume-Uni, Slovaquie, Suède et Suisse. La Roumanie a le statut de candidat à l’adhésion. La Serbie est État membre associé en phase préalable à l’adhésion. Les États-Unis d’Amérique, la Fédération de Russie, l’Inde, le Japon, la Turquie, le JINR, l’UNESCO et l’Union européenne ont le statut d'observateur.
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