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Pari réussi pour AWAKE

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Success for AWAKE

La partie finale du dispositif expérimental d'AWAKE avec la cellule accélératrice et l'écran scintillateur qui permet de détecter les électrons accélérés et de déduire leur énergie. (Image : Maximilien Brice, Julien Ordan/CERN)

Samedi 26 mai 2018, tôt le matin, la collaboration AWAKE au CERN a réalisé la toute première accélération d’électrons au moyen d’un champ de sillage créé par des protons filant à travers un plasma. Ce résultat important a été annoncé dans la revue Nature le 29 août. Les électrons ont été accélérés d’un facteur d’environ 100 sur une distance d’environ 10 mètres : injectés dans la cellule d’AWAKE à une énergie d’environ 19 MeV, ils ont été accélérés jusqu’à une énergie de presque 2 GeV.

AWAKE, l’expérience de pointe sur les champs de sillage, est un projet de "Recherche et Développement" de démonstration de principe qui étudie l’utilisation de protons pour créer des champs de sillage dans du plasma afin d’accélérer des électrons. Tandis que les accélérateurs conventionnels utilisent des cavités radiofréquence, les accélérateurs fonctionnant avec des sillages plasma accélèrent les particules en les faisant « surfer » sur la crête des vagues de plasma (appelées champs de sillage). « Les accélérateurs fonctionnant avec des champs de sillage ont deux faisceaux différents : le faisceau de particules accéléré, appelé 'faisceau témoin', et le faisceau créant le champ de sillage, appelé 'faisceau d’entraînement' », explique Allen Caldwell, porte-parole de la collaboration AWAKE. Les exemples précédents d’accélération par champs de sillage s’appuyaient sur des faisceaux d’entraînement d’électrons ou de lasers. AWAKE est la première expérience à utiliser un faisceau d’entraînement formé de protons. « Les faisceaux d’entraînement de protons permettent d’accélérer les faisceaux témoins sur une plus grande distance, et donc d’atteindre des énergies plus élevées », explique Allen Caldwell.

Des protons provenant du SPS sont injectés dans la cellule plasma d’AWAKE remplie de rubidium gazeux. Une impulsion laser transforme le rubidium gazeux en plasma en éjectant les électrons des atomes de gaz. Quand le faisceau d’entraînement, composé de protons de charge positive, traverse le plasma, il fait osciller les électrons de charge négative suivant un schéma semblable à une vague, comme un bateau qui, en se déplaçant sur l’eau, crée des oscillations dans son sillage. Les électrons témoins sont injectés dans ce plasma en oscillation et se mettent à « surfer » l’onde de plasma, ce qui leur permet d’être accélérés.

 « En accélérant des électrons jusqu’à 2 GeV en seulement 10 mètres, l’expérience AWAKE a démontré qu’elle pouvait atteindre un gradient d’accélération moyen d’environ 200 mégavolts par mètre », explique Edda Gschwendtner, coordinatrice technique et responsable du projet AWAKE au CERN. À titre de comparaison, le Grand collisionneur électron-positon LEP, exploité entre 1989 et 2000, affichait un gradient d’accélération nominal de 6 MV/m. Avec son équipe, elle vise à atteindre un gradient d’accélération d’environ 1000 MV/m (ou 1 GV/m).

Le projet AWAKE a avancé rapidement depuis son approbation en 2013. Les travaux de génie civil ont commencé en 2014, et la cellule plasma a été installée début 2016. Quelques mois plus tard, les premiers faisceaux d’entraînement composés de protons ont été injectés dans la cellule plasma pour la mise en service de l’expérience, et un champ de sillage entraîné par des protons a été observé pour la première fois fin 2016. Fin 2017, la source d’électrons, la ligne de faisceau d’électrons et le spectromètre à électrons ont été installés.

AWAKE continuera de tester l’accélération d’électrons au moyen de champs de sillage pendant le reste de l’année 2018. « Nous nous réjouissons d’obtenir davantage de résultats de notre expérience afin de démontrer la portée de l’utilisation des champs de sillage dans du plasma comme principe de base pour de futurs accélérateurs de particules », conclut Edda Gschwendtner.

L’utilisation des champs de plasma n’est encore qu’au tout début de son développement, mais elle pourrait réduire drastiquement les dimensions, et donc les coûts, des accélérateurs.

 

La responsable du projet AWAKE du CERN, Edda Gschwendtner, explique comment l'expérience a accéléré des électrons pour la toute première fois. (Vidéo : CERN)