View in

English

Les rayons cosmiques nous réservent des surprises (une fois de plus)

La théorie actuelle de l’origine et de la propagation des rayons cosmiques se trouve à nouveau remise en question à la lumière des données collectées par le détecteur AMS, arrimé à la Station spatiale internationale

|

Shows the AMS detector in space.

Le détecteur AMS arrimé à la Station spatiale internationale (Image: NASA)

En mai 2011, des astronautes arrimaient à la Station spatiale internationale le détecteur spatial AMS. Depuis, ce spectromètre magnétique de 7,5 tonnes, assemblé au CERN, a recueilli des données sur plus de 150 milliards de rayons cosmiques, des particules chargées qui voyagent dans l’espace à des énergies allant jusqu’à plusieurs milliers de milliards d’électronvolts. Cette quantité astronomique d’informations s’est révélée précieuse pour la connaissance de ces particules cosmiques, d’autant que, comme l’a relevé Samuel Ting, le porte-parole de l’équipe d’AMS, aucun des résultats obtenus grâce au détecteur n’avait été prédit. Dans un article récemment publié dans la revue Physical Review Letters, l’équipe d’AMS a présenté de nouvelles mesures sur les rayons cosmiques primaires lourds, avec des éléments inattendus.

Les rayons cosmiques primaires sont générés par des explosions de supernovas dans notre galaxie, la Voie lactée, et au-delà. Il s’agit de particules de haute énergie, le plus souvent des noyaux d’hydrogène, c’est-à-dire des protons. Toutefois, ils peuvent parfois prendre d’autres formes : noyaux plus lourds et électrons, ou leurs équivalents dans l’antimatière. AMS et d’autres expériences ont, par le passé, mesuré le nombre, ou plus précisément le « flux », de plusieurs types de rayons cosmiques et la manière dont ce flux varie en fonction de l’énergie des particules et de la rigidité (valeur liée à l’impulsion d’une particule chargée dans un champ magnétique). Or, jusqu’à présent, il n’existait aucune donnée sur la variation des flux des noyaux lourds de néon, de magnésium et de silicium en fonction de la rigidité. De telles données permettraient de mieux comprendre la nature exacte des rayons cosmiques primaires et la manière dont ils se déplacent dans l’espace.

Dans sa dernière publication, l’équipe d’AMS présente des mesures des flux de ces trois noyaux cosmiques pour des rigidités allant de 2,15 GV à 3 TV. Ces mesures se fondent sur 1,8 million de noyaux de néon, 2,2 millions de noyaux de magnésium et 1,6 million de noyaux de silicium détectés par AMS au cours de ses sept premières années de fonctionnement, soit du 19 mai 2011 au 26 mai 2018.Les flux du néon, du magnésium et du silicium présentent une relation fonctionnelle à la rigidité identique, ce qui est inattendu, lorsque la rigidité dépasse 86,5 GV, avec, au-dessus de 200 GV, un écart inexpliqué par rapport aux prédictions de la théorie en vigueur concernant l’origine et la propagation des rayons cosmiques. Par ailleurs, la relation fonctionnelle observée est différente de celle qu’on connaît pour des rayons cosmiques primaires plus légers que sont l’hélium, le carbone et l’oxygène, précédemment mesurée par AMS.

Ainsi, les choses se compliquent pour les rayons cosmiques. Les chercheurs de l’équipe d’AMS ont déjà constaté précédemment des écarts par rapport aux comportements attendus. Par exemple, la relation fonctionnelle à la rigidité des rayons cosmiques primaires de l’hélium, du carbone et de l’oxygène est distinctement différente de celle des rayons cosmiques secondaires du lithium, du béryllium et du bore ; les rayons cosmiques secondaires proviennent des interactions entre les rayons cosmiques primaires et le milieu interstellaire.

« Les rayons cosmiques sont classés en deux types distincts, à savoir rayons primaires et secondaires. Les nouvelles données que nous avons collectées sur les rayons cosmiques primaires lourds montrent que la catégorie des rayons primaires se subdivise à son tour en au moins deux types distincts, déclare Samuel Ting. Ces résultats sont totalement inattendus, compte tenu de l’état de nos connaissances sur les rayons cosmiques. »

À la lumière de ces données déconcertantes, les théoriciens vont devoir repenser et retravailler les modèles actuels sur les rayons cosmiques. « Les modèles sur les rayons cosmiques ont déjà évolué suite à nos précédentes observations. Ces nouvelles observations vont encore remettre en question ces modèles », explique Samuel Ting. Grâce à plusieurs sorties dans l’espace qui ont réussi à prolonger la durée de vie d’AMS, le détecteur continue à recueillir et envoyer des données au CERN, et pourrait bien nous réserver de nouvelles surprises. Les théoriciens ne sont probablement pas au bout de leurs peines.

Regardez cette vidéo et revivez les péripéties des différentes sorties dans l’espace qui ont permis de prolonger la vie du détecteur AMS afin d’égaler celle de la Station spatiale internationale.

Video: CERN

Pour en savoir plus sur les sorties dans l’espace et connaître les précédents résultats obtenus avec AMS, lisez l’article publié dans le CERN Courier.