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Le CERN présente son projet d'accélérateur de type « ascenseur spatial »

Un accélérateur vertical permettrait de mettre à l’épreuve un principe fondamental de la mécanique quantique avec une précision sans précédent.

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EIFFEL accelerator
Rendu artistique de la première phase d'EIFFEL, le long de l'Esplanade des Particules. (Image: D. Dominguez/CERN)

Mise à jour : Avez-vous apprécié notre poisson d’avril? Si vous voulez en savoir plus sur la recherche sur l'antimatière qui se déroule réellement au CERN, consultez cette publication récente : https://home.cern/fr/news/press-release/experiments/alpha-cools-antimatter-using-laser-light-first-time et découvrez tout sur le Décélérateur d'antiprotons : https://home.cern/fr/science/accelerators/antiproton-decelerator.


Les pommes d'antimatière tombent-elles vers le haut ? » Voilà une question qui ne manquera pas d'irriter les scientifiques travaillant sur le projet inédit d’accélérateur vertical du CERN. Selon eux, il faudrait plutôt se demander si les pommes d'antimatière tombent d’une manière différente. Si l'on constatait une différence, cela signifierait la fin de « l'invariance CPT », principe qui sous-tend toutes les théories de la physique depuis l'invention de la mécanique quantique.

Le Modèle standard de la physique des particules est une grande réussite, mais il ne peut expliquer les 95 % qui constituent l'univers « sombre », et ni Einstein ni aucun autre physicien n'a réussi depuis à élaborer une théorie de la gravité quantique qui fonctionne, explique la théoricienne Flora Oilp. Il est temps de mettre à l’épreuve son principe le plus fondamental.

Pour ce faire, Flora Oilp et ses collègues proposent de construire un accélérateur vertical qui mettra directement la gravité à l'épreuve. Tous les accélérateurs de particules construits à ce jour sont horizontaux. En ayant jusqu’ici combiné des vitesses élevées et des trajectoires fréquemment corrigées à l'aide d'aimants de focalisation, on a toujours ignoré l'effet de la gravité. Mais grâce à une série de techniques nouvelles et révolutionnaires, notamment en accélérant les particules vers le haut à l'intérieur d'une enceinte à vide, et en chronométrant le temps qu'elles mettent à redescendre sur Terre, les physiciens pourraient étudier directement cette énigmatique quatrième force. De plus, en comparant les résultats avec les protons et les antiprotons, ils pourraient rechercher les signes d'une « violation de CPT ». Un tel comportement ne peut pas s'expliquer par des théories conventionnelles, qui reposent sur la conservation de la probabilité.

L'accélérateur serait construit en deux phases. La première prévoit un accélérateur vertical de 500 mètres, qui s'élèverait du fond des puits du LHC. Une collaboration intéressante pourrait se concrétiser avec la NASA, qui permettrait d'utiliser les détecteurs de la Station spatiale internationale (SSI) pour détecter les faisceaux de particules que l'accélérateur projetterait chaque fois que la SSI nous survole. Grâce à cette expérience, qui repose sur des rayons cosmiques « inversés », il serait possible de mesurer à un niveau sans précédent l'effet de la gravité terrestre sur la trajectoire des particules. La première phase visera à égaler la précision d'environ 1 % des mesures de la constante gravitationnelle g, qui fait actuellement l'objet d'expériences avec l'antihydrogène, menées en parallèle à l'usine à antimatière du Laboratoire. Cette structure de taille modeste permettra aux ingénieurs et aux scientifiques de comprendre les subtilités du fonctionnement d'un accélérateur vertical et de se préparer ainsi pour la deuxième phase du projet : l'ascenseur spatial.

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La hauteur de l'accélérateur EIFFEL, dans sa première phase, par rapport à des structures de hauteur similaire. S'élevant depuis le fond des puits du LHC, à 175 mètres de profondeur, EIFFEL sera presque aussi haut que la tour du même nom, la célèbre tour Eiffel. (Image : D. Dominguez/CERN)

Proposé pour la première fois en 1895 par le scientifique russe Constantin Tsiolkovski, un ascenseur spatial digne de ce nom devrait s'élever depuis l'équateur jusqu'à une hauteur de 35 786 km, l'altitude d'une orbite géostationnaire. La structure proposée par le CERN est bien plus modeste, s'élevant seulement à 2,5 km au-dessus de la campagne suisse. Si cet accélérateur de particules de pointe était construit, il serait néanmoins trois fois plus haut que la Burj Khalifa à Dubaï, qui est la tour la plus haute du monde depuis 2009. Chaque paquet de protons et d'antiprotons devrait être envoyé sur une orbite dite « elliptique radiale » afin qu'il puisse revenir à son point de départ, ce qui nécessiterait une légère focalisation transversale en cours de route.

Bien que les défis technologiques soient considérables, les possibilités d'applications industrielles et médicales sont prometteuses, et le potentiel de physique d'une telle machine est manifeste. Cette structure peut sembler quelque peu bizarre à première vue mais, et c'est là son principal avantage, elle est conçue de telle manière que sa sensibilité augmente rapidement avec la hauteur. Ainsi, une fois qu'elle sera portée à 2,5 kilomètres de haut, que l'on estime être la hauteur maximale pour garantir une structure solide, l'invariance CPT pourra être testée avec une extraordinaire précision, proche de 0,005 %.

« Tout est possible, s'exclame Pilar Olof, du CERN, nommée récemment porte-parole de la nouvelle collaboration Elevator-Inspired Fast-Fermion Endwise Linac (EIFFEL). De nombreuses discussions ont eu lieu ces dernières années pour savoir si le prochain accélérateur devrait être linéaire ou circulaire, mais un consensus semble à présent se dégager pour construire un accélérateur vertical. Nous sommes impatients de présenter EIFFEL au monde entier ! »