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L’expérience BASE du CERN compare des protons et des antiprotons avec une précision inédite

Genève, le 12 août 2015. Dans un article publié aujourd'hui dans la revue Nature, l’expérience sur la symétrie baryon-antibaryon BASE1 (Baryon Antibaryon Symmetry Experiment) auprès du Décélérateur d’antiprotons (AD) du CERN2 annonce la comparaison la plus précise à ce jour entre le rapport charge sur masse du proton et celui de l’antiproton, la particule correspondante dans l’antimatière. Le rapport charge sur masse, une propriété importante des particules, peut être mesuré via l’observation de l’oscillation d’une particule dans un champ magnétique. Le nouveau résultat ne montre pas de différence entre le proton et l’antiproton, et cela avec une résolution en énergie quatre fois meilleure que celle des mesures précédentes.

 

BASE,Diagrams and Charts
Coupe schématique du système de piège de Penning utilisé par BASE. L’expérience reçoit des antiprotons en provenance de l’AD du CERN ; pendant leur injection dans le dispositif, des ions hydrogène de charge négative sont formés. Les mesures sont effectuées sur une seule paire de particules à la fois, tandis que quelques centaines d’autres particules sont maintenues dans un piège-réservoir pour être utilisées ultérieurement. Ici, un antiproton se trouve dans le piège de mesure, tandis que l’ion hydrogène de charge négative est retenu dans une zone de stationnement par l’électrode d’aval. Une fois l’antiproton mesuré, il passe dans la zone de stationnement créée par l’électrode d’amont, et l’ion hydrogène est amené dans le piège de mesure. Cette opération est répétée des milliers de fois, ce qui permet de comparer avec une grande précision les rapports charge sur masse des deux particules. (Image: CERN)

Pour mener à bien cette expérience, la collaboration BASE a eu recours à un système de piège de Penning comparable à celui développé au CERN par la collaboration TRAP à la fin des années 1990. La méthode utilisée est toutefois plus rapide que dans les expériences précédentes, ce qui a permis à la collaboration BASE de réaliser, en l’espace de 35 jours, environ 13 000 mesures, comparant un antiproton unique à un ion hydrogène de charge négative (H-). Le noyau de l’ion H-, atome d’hydrogène assorti d’un électron supplémentaire, est constitué d’un unique proton. Le H- est utilisé dans ces mesures à la place du proton.

« Nous avons observé un rapport charge sur masse identique pour ces deux particules, avec une précision de 69 parties par mille milliards, ce qui vient étayer l’hypothèse d’une symétrie fondamentale entre matière et antimatière », indique Stefan Ulmer, porte-parole de BASE.

« Les recherches menées sur des particules d’antimatière ont fait des progrès exceptionnels ces dernières années, souligne Rolf Heuer, directeur général du CERN. Je suis vraiment impressionné par le niveau de précision atteint par BASE. C’est très prometteur pour l’ensemble de ce domaine de recherche. »

On sait que le Modèle standard de la physique des particules, le modèle qui décrit le mieux les particules fondamentales et leurs interactions, est une théorie incomplète, d’où de nombreuses quêtes d’une « nouvelle physique », dépassant cette théorie. Les mesures permettant de comparer les caractéristiques fondamentales des particules de matière avec celles de leurs équivalents dans l’antimatière sont l’une des voies explorées. Si les particules de matière et d’antimatière peuvent présenter des différences, par exemple dans la manière dont elles se désintègrent (différence souvent appelée « violation de symétrie CP »), d’autres propriétés fondamentales, comme la valeur absolue de leur charge électrique et de leur masse, sont, d’après la théorie, exactement égales. Toute différence, même minime, entre le rapport charge sur masse du proton et celui de l’antiproton violerait une loi fondamentale appelée symétrie CPT. Cette symétrie correspond à des propriétés bien établies de l’espace et du temps, ainsi que de la mécanique quantique ; un écart représenterait donc une remise en question fondamentale, non seulement du Modèle standard, mais aussi du cadre théorique général de la physique des particules.

L’expérience BASE reçoit ses antiprotons du Décélérateur d’antiprotons (AD), installation unique au monde de recherche sur l’antimatière. Les ions H- se forment par l’injection d’antiprotons. Le dispositif retient une seule paire antiproton-H- à la fois, dans un piège de Penning, dispositif magnétique, et décélère les particules jusqu’à des énergies très faibles. L’expérience mesure ensuite la fréquence cyclotron de l’antiproton et du ion H-, mesure qui permet à l’équipe de déterminer le rapport charge sur masse, avant de comparer les résultats.

BASE a été approuvée en 2013. Cette expérience utilise un dispositif composé de nombreux pièges de Penning, avec pour objectif ultime de mesurer très précisément le moment magnétique de l’antiproton, autre propriété importante des particules. La collaboration est déjà parvenue à réaliser la mesure la plus précise du moment magnétique du proton, et elle utilisera ensuite la même technique pour l’antiproton.

BASE,Diagrams and Charts
L'image du système de piège de Penning utilisé par l'expérience BASE (Image: CERN)

 

1. La collaboration BASE regroupe des scientifiques de RIKEN, du CERN, de l’Institut Max Planck de physique nucléaire, de l’Université de Tokyo, de l’Université Johannes Gutenberg de Mayence, du Centre Helmholtz GSI pour la recherche sur les ions lourds, et de l’Institut Helmholtz de Mayence.
2. Le CERN, Organisation européenne pour la Recherche nucléaire, est le plus éminent laboratoire de recherche en physique des particules du monde. Il a son siège à Genève. Ses États membres actuels sont les suivants : Allemagne, Autriche, Belgique, Bulgarie, Danemark, Espagne, Finlande, France, Grèce, Hongrie, Israël, Italie, Norvège, Pays-Bas, Pologne, Portugal, République tchèque, Royaume-Uni, Slovaquie, Suède et Suisse. La Roumanie a le statut de candidat à l’adhésion. La Serbie est État membre associé en phase préalable à l’adhésion. Le Pakistan et la Turquie sont États membres associés. Les États-Unis d’Amérique, la Fédération de Russie, l’Inde, le Japon, l’Institut unifié de recherche nucléaire (JINR), l’UNESCO et l’Union européenne ont le statut d'observateur.