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Un nouvel état de la matière créé au CERN

New State of Matter created at CERN

Genève, le 10 février 2000. Lors d'un séminaire spécial qui s'est tenu le 10 février, les porte-parole des expériences constituant le programme des ions lourds du CERN1 ont présenté des preuves décisives de l'existence d'un nouvel état de la matière dans lequel les quarks, au lieu d'être confinés dans des particules plus complexes, comme les protons et les neutrons, sont déliés et se déplacent librement.


Genève, le 10 février 2000. Lors d'un séminaire spécial qui s'est tenu le 10 février, les porte-parole des expériences constituant le programme des ions lourds du CERN1 ont présenté des preuves décisives de l'existence d'un nouvel état de la matière dans lequel les quarks, au lieu d'être confinés dans des particules plus complexes, comme les protons et les neutrons, sont déliés et se déplacent librement.

La théorie prédit que cet état a dû exister environ 10 microsecondes après le Big Bang, avant la formation de la matière telle que nous la connaissons aujourd'hui, mais aucune confirmation expérimentale n'avait été obtenue jusqu'ici. Notre conception de la création de l'Univers, qui restait une théorie non vérifiée pour tout instant antérieur à la formation des noyaux des atomes ordinaires, soit environ trois minutes après le Big Bang, a maintenant reçu, grâce à ces résultats, une justification expérimentale valable quelques microsecondes seulement après le Big Bang.

Le professeur Luciano Maiani, Directeur général du CERN, a déclaré: "Les données combinées provenant des sept expériences du programme des ions lourds du CERN ont donné une image claire d'un nouvel état de la matière. Ce résultat vérifie une importante prédiction de la théorie actuelle des forces fondamentales entre les quarks. Elle marque aussi un progrès important de notre compréhension de l'évolution de l'Univers à ses premiers instants." Nous tenons maintenant la preuve de l'existence d'un nouvel état de la matière dans lequel les quarks et les gluons ne sont pas confinés. Reste maintenant un territoire entièrement nouveau à explorer, celui des propriétés physiques du plasma de quarks et de gluons. Tel est le défi que devront relever le collisionneur d'ions lourds relativistes au Laboratoire national de Brookhaven et plus tard le grand collisionneur de hadrons du CERN."

Le programme des ions lourds du CERN avait pour objectif de produire des collisions d'ions plomb, et de créer ainsi des densités d'énergie gigantesques qui vaincraient les forces confinant les quarks à l'intérieur de particules plus complexes. Un faisceau d'ions plomb de très haute énergie (33 TeV) accéléré dans le supersynchrotron à protons (SPS) du CERN vient frapper des cibles à l'intérieur de sept détecteurs différents. Les collisions engendrent des températures plus de 100 000 fois supérieures à celle qui règne au centre du Soleil et des densités d'énergie vingt fois plus élevées que celle de la matière nucléaire ordinaire, jamais atteintes auparavant en laboratoire. Les données recueillies par les expériences de collision d'ions plomb au SPS apportent la preuve décisive de la création d'un nouvel état de la matière possèdant maintes caractéristiques prédites par la théorie pour le plasma de quarks et de gluons c'est-à-dire la soupe primordiale dans laquelle ces particules évoluaient librement avant de s'agglomérer du fait du refroidissement de l'Univers.

Le programme d'expérimentation avec des ions plomb a débuté en 1994, après que les accélérateurs du CERN eurent été perfectionnés par une collaboration entre le CERN et des instituts d'Allemagne, de France, de l'Inde, d'Italie, de la République tchèque, de Suède et de Suisse. Une nouvelle source d'ions plomb a été raccordée à la chaîne des accélérateurs préexistants du CERN, le synchrotron à protons (PS) et le SPS. Les sept grandes expériences ­ NA44, NA45, NA49, NA50, NA52, WA97 / NA57 et WA98. ­ participant à ce programme ont étudié divers aspects de collisions plomb-plomb et plomb-or. Certaines d'entre elles utilisent des détecteurs polyvalents pour mesurer et corréler plusieurs phénomènes observables parmi les plus fréquents. D'autres sont spécialement conçues pour la détection des "signatures" rares avec un grand volume de données. La coordination de ces expériences complémentaires s'est avérée très fructueuse.

Ce programme est un excellent exemple de collaboration dans le domaine de la recherche en physique. Des scientifiques provenant d'instituts de plus vingt pays2 ont participé aux expériences. Il a également permis l'éclosion d'un partenariat productif entre physiciens des hautes énergies et physiciens nucléaires. Plus important encore, ce pas en avant a été rendu possible par l'association des différentes expériences qui apportent chacune de nombreuses pièces du puzzle qu'est le plasma de quarks et de gluons. Les données d'une seule de ces expériences ne suffisent pas pour reconstituer le tableau dans son ensemble, mais les résultats combinés de toutes les expériences concordent et se complètent. Alors que toutes les tentatives d'explication par des interactions de particules bien connues ont échoué, maintes observations sont conformes aux "signatures" prédites d'un plasma quark-gluon.

Les résultats du CERN constituent un puissant stimulant pour les expériences prévues à l'avenir. Si toutes les pièces du puzzle semblent concorder avec l'interprétation par un plasma de quarks et de gluons, il est essentiel d'étudier ce nouvel état de la matière à des températures plus élevées et plus basses, afin d'en préciser toutes les propriétés et de confirmer cette explication. Le relais de la recherche avec les ions lourds est maintenant transmis au collisionneur d'ions lourds relativistes (RHIC) du Laboratoire national de Brookhaven où les expériences débuteront cette année. En 2005, une expérience spécialisée avec des ions lourds, ALICE, figurera au programme du grand collisionneur de hadrons (LHC) du CERN.

!! PLUS D'INFORMATION SUR CES EXPERIENCES !!

1. CERN, Laboratoire européen pour la physique des particules, a son siège à Genève. Ses Etats membres sont les suivants: Allemagne, Autriche, Belgique, Bulgarie, Danemark, Espagne, Finlande, France, Grèce, Hongrie, Italie, Norvège, Pays-Bas, Pologne, Portugal, République slovaque, République tchèque, Royaume-Uni, Suède et Suisse.  La Fédération de Russie, Israël, Japon, la Turquie, les Etats-Unis, la Commission des Communautés européennes et l'UNESCO ont le statut d'observateur.